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7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
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Journal de la Socit desAmricanistes
Recherches ethnographiques dans les bassins des RiosCaqueta Putumayo (Amazonie colombienne)Mireille Guyot
Citer ce document Cite this document :
Guyot Mireille. Recherches ethnographiques dans les bassins des Rios Caqueta Putumayo (Amazonie colombienne). In:
Journal de la Socit des Amricanistes. Tome 58, 1969. pp. 267-283.
doi : 10.3406/jsa.1969.2941
http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1969_num_58_1_2941
Document gnr le 16/10/2015
http://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1969_num_58_1_2941http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1969_num_58_1_2941http://www.persee.fr/author/auteur_jsa_771http://dx.doi.org/10.3406/jsa.1969.2941http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1969_num_58_1_2941http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1969_num_58_1_2941http://dx.doi.org/10.3406/jsa.1969.2941http://www.persee.fr/author/auteur_jsa_771http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1969_num_58_1_2941http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1969_num_58_1_2941http://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
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MISSION
S IENTIFIQUE
RECHERCHES ETHNOGRAPHIQUES
DANS LES
BASSINS DES
RIOS
CAQUETA
ET
PUTUMAYO
(AMAZONIE
COLOMBIENNE)
Les Witoto.
Il
est
difficile
actuellement
de circonscrire de
faon prcise
l extension
gographique des indiens
Witoto
avant l arrive de
l homme blanc. Il
est
nanmoins certain que
le centre
de leur
habitat se
situait dans un
espace
limit
au
Nord
par
le
rio
Caqueta,
au
Sud
par
le rio
Putumayo,
l Est
et
l Ouest
par 72
et
74
de
longitude
Ouest. Trois groupes dialectaux, mka-
tno,
buedno et mnkatno occupaient les rgions forestires
des
rios Cara-
paran
et
Igaraparan,
un quatrime
groupe, npodno, tait tabli entre
le Haut-
Igaraparan,
le
Haut-Cahuinari
et le cours
du
Caqueta en amont
des
rapides
d Araracuara. Leurs
voisins immdiats l Est taient les Ocaina,
Muinan,
Nonuya, Rosigaro,
Andoque et
Bora
; au Nord, sur
l autre
rive
du Caqueta, se trouvaient les Carijona, une
population
caribe.
La
langue
witoto n a
pu
tre
classifie
de faon
convaincante
dans aucune
des grandes familles linguistiques d Amrique ;
on a,
par
contre,
russi
tablir
quelques
rapprochements
lexicaux avec la langue ocaina.
La
grande
rue
vers
le
caoutchouc,
au dbut
de
notre
sicle,
a
profondment
atteint
la
population
de
l aire
witoto.
L exploiteur
principal
tait
la
Casa Arana
(Peruvian Amazon
Company Ltd.), compagnie
anglaise
administre
sur
les lieux par
des
Pruviens. Les mthodes les plus
froces
de
l exploitation
des
indiens ont
massivement
rduit leur nombre ; la contrainte continue
au travail et
le
dplacement
rpt des groupes
la
recherche de
nouvelles
ressources ont interrompu la pratique
des
rites et la transmission
des
valeurs
culturelles, perturb
le systme des
alliances, modifi
la
distribution
rgionale des
groupes
et
diminu
leur cohsion interne.
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SOCIT
DES AMRICANISTES
On constate aujourd hui
une
dispersion
considrable
des
Witoto par
petits
groupes qui
se
rpartissent depuis l Amazone et
le
rio Napo au Prou, jusqu au
Haut-Putumayo
(rgion
de
Puerto
Asis)
et
au
rio
Orteguaza,
en
Colombie.
L migration vers le Prou est due aux transports massifs organiss
par
la
Casa Arana
pour
conserver
sa main
d uvre indienne
juste avant le
conflit frontalier
colombo-pruvien
de
1932
; vers le
Nord,
elle ne
fut que
la
consquence
des mthodes
esclavagistes : les
indiens, voulant
se soustraire
l emprise
des
caoutchoutiers,
fuyaient vers
les
territoires
lointains
qui
chappaient
au
contrle des
Pruviens.
Au
cours d un voyage de reconnaissance dans l Orteguaza, je n ai plus
trouv trace
des
deux
groupes witoto chez
lesquels K.
Th.
Preuss
avait
fait ses recherches en
1914.
A Puerto Solano
(embouchure
de l Orteguaza),
j ai
toutefois
pris
contact
avec
des
Witoto
qui
parlent
le dialecte
des textes
de
Preuss
(mkatno).
Il
tait vident
que
ces groupes
priphriques,
qui
se
trouvent en
contact
suivi avec
les
colons riverains et
les marchands
fluviaux,
sont
les
plus
sujets
la
dculturation
; deux
voyages
dans le Putumayo ont
confirm cette
impression.
L habitat traditionnel
des
Witoto comporte actuellement
trois rgions
principales de regroupement, dont chacune
est
en rapport
avec
un
foyer
de
rayonnement
blanc
.
A
la
diffrence de
la
coutume ancienne, les Witoto
vivent maintenant, quelques
exceptions
prs,
au bord
des
grands fleuves
qui traversent leur pays. Ces trois
rgions
sont : a) le
Bas-Caraparan
: Witoto
parlant
les
dialectes mkatno et
bueino,
attachs
la mission capucine
de San
Rafal ;
proches
du
Putumayo, ils sont en rapports plus
frquents
que les
autres groupes avec le
monde-indien ; b) le Moyen- et
Haut-Igara-
paran
(depuis
le
rio
Mena
e, en
amont)
:
Witoto
du
dialecte
mnkatno,
appartenant
la
paroisse de La Chorrera
;
en font galement
partie
les
gens
de
llaroka-amena,
qui
habitent
le centre de la fort,
10
km. de la mission,
et
ceux
de la
Isla de los
Monos
, sur le Caqueta, qui sont d anciens
habitants
du
Haut-Igaraparan ;
)
Monochoa, au
bord du
Caqueta, 5 km. en
amont
des
rapides
d Araracuara :
Witoto
parlant le npodno, en relation avec
la
colonie pnitentiaire
d Araracuara et le village de Santander.
Dans chacune de ces rgions
se
trouve
le sige
d un corregidor ,
administrateur civil
et
reprsentant du gouvernement.
La
situation des indiens Witoto de
Vlgaraparan
: C est
dans
la rgion
de
La Chorrera,
qui regroupe environ 700 Witoto, que s est droule en
deux
tapes
(aot
novembre,
et
fvrier avril) mon enqute ethnographique.
Cette
rgion
est,
parmi
les
trois
voques
plus haut,
la
plus
isole
la
fois
du
trafic commercial et
des
colons blancs qui
frquentent
les grandes
artres
navigables,
le Putumayo,
et
dans
une moindre
mesure, le
Caqueta.
La mission
des
Capucins catalans et
des surs
de
la Mre
Laura, La
Chorrera, doit son influence sur le milieu
indigne son
internat scolaire,
son service sanitaire, son magasin de vente et
au
commerce
des
peaux
et
des
planches.
Les
indiens satisfont leurs nouveaux
besoins matriels
en
vtements cartouches, hameons,
fil,
aiguilles, machines coudre, savon,
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MISSION
SCIENTIFIQUE 269
etc. avec l argent
qu ils gagnent en vendant
des
peaux et
des
planches,
ou
de la viande
et
des
produits
de culture.
Les
peaux
et les planches
sont
revendues
par
la
mission
Leticia, capitale
de
la
Comisaria
del
Amazonas
et
sige
de
la Prfecture apostolique
qui administre les missions. La
nourriture est
consomme par les
membres
de
la mission
et les
enfants
de
l internat
(environ
300,
en moyenne).
Tous
les enfants,
entre
cinq et treize ans,
frquentent
cet internat qui existe depuis les annes 30. Les hommes
et,
dans
une moindre
mesure,
les
femmes
de
moins
de
trente-cinq ans
savent par
consquent
parler,
lire et crire
l espagnol
; ils ont
des
notions gnrales de
la
civilisation blanche et de
la vie
dans les
villes,
de
la
gographie et de
l histoire de leur
pays
; ils
savent
calculer.
Certains
ont appris
des
travaux de
menuiserie.
Une
fois termin
l internat,
il n est
pas
rare
que, pouss par
le dsir
de
voir
et
de connatre,
un
jeune
homme
fasse
pendant
un ou
deux
ans
un
long
voyage dans le Putumayo
ou
le Caqueta, travaillant
et
l pour
un colon
ou
pour
un
caoutchoutier,
dans une scierie ou dans
la construction ;
peu
nombreux sont
ceux
qui
s engagent
dans
l arme
ou quittent dfinitivement
la fort.
La plupart reviennent dans leur rgion,
se
marient et
retournent
sur leurs terres pour y vivre
une vie quotidienne
qui, en ce qui concerne
les
techniques,
a
conserv la majorit de
ses
traits traditionnels.
Le corregidor , assist de deux
policiers,
dtient l autorit judiciaire
et
l applique
conformment
au
code du droit
colombien. Par
son
intervention,
deux indiens ont t
envoys
Leticia
pour
y
tre jugs : l un tait accus
d inceste
avec sa
fille, l autre
d avoir
fait avorter
sa femme.
Un sjour
d un
mois
dans l enceinte
de la mission m a permis d acqurir
les
premires
connaissances
linguistiques
et
de
chercher le
groupe
qui
serait
le
plus
indiqu pour mon
enqute.
Je me suis install
dans
la famille
Kuiru
(groupe jitomagaro,
soleil), trois heures de cano en aval de
La
Chorrera.
Cette
famille tendue groupait
le
couple
des
parents et les cinq mnages
de
quatre
fils
et d une
fille.
Son chef
tait le dernier matre de la fte de la
poutre de danse (lladiko), qui est
la
plus prestigieuse dans
la
hirarchie
des
ftes witoto.
J ai
consacr
une grande
partie
de
mon
temps
l tude
de
cette fte avec
tous ses lments constitutifs. Le traitement
des textes
imposait
une enqute
linguistique approfondie ;
mais
le temps tait trop court
pour acqurir
des
connaissances
pratiques
suffisantes
pour mener
l ensemble de
l enqute en
langue
indigne. Malgr cet inconvnient, les conditions de
travail
taient
trs
satisfaisantes.
Le
chef
de
famille,
Augusto
Kuiru,
n avait
pas
enseign,
selon
les
normes
de
la
tradition,
ses
connaissances
ses
fils, et ceux-ci taient
ignorants de
maint
dtail
du
savoir traditionnel.
D autre part,
j appartenais
moi-mme sensiblement
au mme
groupe d ge que ses
fils
et j tais, comme
eux,
mari ;
nous
formions ainsi,
les
fils et
moi,
un groupe d troite
collaboration et,
par rapport au
pre,
nous nous trouvions
tous
dans
la
situation
d apprentis.
Le
pre, en me communiquant son savoir, le
transmettait
en
mme temps
ses
fils qui,
eux,
m en donnaient
les explications
en espagnol.
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SOCIT
DES AMRICANISTES
La culture
matrielle
:
L horticulture
: Les Witoto
cultivent sur brlis.
Le choix de l emplacement
de la plantation est dtermin
par
la qualit du sol ; elle peut se trouver
une distance
d une demi-journe de marche et plus de l habitation.
Actuellement,
l homme
et
la femme collaborent,
depuis
la
prparation de
la
plantation jusqu la rcolte, avec des degrs de
participation
diffrents selon les
activits ;
il
n y a exclusivit que dans la culture
du tabac,
de
la
coca et des
arachides, les premiers tant
du ressort des
hommes, les
dernires
de celui
de la femme.
Certains produits
requirent des
qualits
spciales ou des
traitements particuliers
du sol.
J ai tourn un film en couleur sur les techniques
de plantation de diffrents produits horticoles et j ai
pu
observer
des
croyances
qui,
sans
constituer
un
vritable
rituel,
se
manifestent
dans
le
cycle
desactivits
de
jardinage.
La
nourriture
de
base est le
manioc
amer,
consomm
sous
forme de
galette
(cassave) ;
il
en existe plusieurs varits. Le manioc doux est cultiv en deux
espces.
Le mas est connu mais n est gure apprci ;
on
le jette
aux
poules.
Le riz sec a
t propag par la mission
et
il est cultiv pour
les
besoins
de
l internat.
Des
bananes
cuire,
des
piments et diffrentes
sortes
de tubercules,
dont l igname,
sont galement plants,
et dans
quelques familles,
on
trouve
mme des oignons, des
potirons et
des
tomates (introduction
rcente).
Parmi
les
arbres fruitiers,
les
plus
apprcis
sont le canangucho [Mauritia flexuosa)
semi-cultiv le chontaduro (Gulielma Gasipaes), l umari (Poraqueiba
paraensis
et
sericea), le
caimo
(Chrysophillum
Caimito),
l uva (Pourouma
sapida),
l avocat
(Persea
gratissima)
et
la
banane douce.
Dans
le
pass,
de
nombreuses plantes mdicinales et
magiques
ont
t
cultives,
dont
beaucoup se sont perdues au cours
des
dplacements
frquents de groupes
entiers
pendant les annes d esclavage.
Quelques
plantes servant
fabriquer
des
couleurs sont toujours cultives.
Les animaux
domestiques :
Les
poules et
les
chiens sont prsents partout.
De jeunes animaux de
la
fort sont levs comme
jouets.
Il existe
chez les
Witoto un
intrt rel pour l levage du
porc
et du
btail.
La cueillette :
Des
supplments alimentaires sont
cueillis
dans
la
fort,
soit pour remdier au manque
de
nourriture en
priode de
disette, soit
pour
satisfaire la
gourmandise. Dans
la premire
catgorie entrent de nombreuses
espces
de tubercules
sauvages
et
les
champignons
;
dans
la
seconde,
les
fruits de palmiers
comme
le milpeso
(Jessenia polycarpa) et asai
(non
ident.), diffrentes
sortes
de cocos sauvages ainsi que le miel,
les
fourmis,
les vers
palmistes
et le menu
fretin (pris
la main nue
l aide
d un
ver
palmiste
cras servant
d appt). Sont cueillies galement toutes
les
fibres,
corces, matires rsineuses et ligneuses qui servent de matires premires
la confection d objets
varis
(ustensiles, instruments,
vtements). L arbre
qui fournit
l corce
pour
la fabrication du tapa, semi-cultiv, fait exception.
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MISSION SCIENTIFIQUE 271
La chasse
: Elle n est
plus
pratique qu individuellement ou deux, avec le
fusil
ou
avec
des
piges.
Les
armes traditionnelles (sarbacane
pour
le
petit
gibier,
lance
et
massue
pour
le
gros
gibier) sont
tombes
en
dsutude.
De
mme,
les
grandes parties de chasse
collective,
au cours desquelles
la
bte
tait attrape au filet, ne sont plus pratiques.
La
viande des
flins
n est
pas consomme. Le
boa n est tu
que depuis
des temps
rcents. L iguane,
le caman
blanc,
certains serpents et crapauds,
sont considrs comme comestibles
ou
l ont
t dans le pass.
La
pche
: Pour pcher,
les Witoto
se servent traditionnellement de
harpons,
de barrages et de nasses et
d au
moins deux
sortes
de poisons. Le filet
de nylon et le
hameon
en
fer, acquis
la mission,
sont
toutefois
d un
usage
actuellement
gnralis, ainsi que la
technique
consistant clairer avec
une
lampe
de
poche
le
fond
des
eaux
et
tuer
le
poisson
surpris
d un coup
de machette.
La
lampe de poche remplace
les
anciens
flambeaux
en bois
rsineux. Dans la communaut
o
j ai vcu, la plus grande partie de la ration
en
protines tait
fournie par la pche.
Des
interdits
alimentaires existent
pour la femme enceinte, pour
l homme
en couvade et
la femme
relevant de couches, et
pour
les individus affects
de maladies telles qu ulcre de
la peau,
par exemple. Autrefois, ils
intervenaient
galement
pendant
l apprentissage du jeune homme,
successeur d un
matre
de fte
ou
d un
sorcier.
La
cuisine :
La
galette de manioc,
les
bouillons et la pte
poivre
(casara-
mn) sont
la
base de
la
cuisine.
L extraction
de l acide prussique
du
manioc
amer
ne
se
fait
pas,
comme
chez
les
Bora
et
Andoque,
voisins,
ou
chez
les
indiens
des
familles tucano et
arawak
au Nord de notre rgion, avec le
fourreau de vannerie diagonale, mais l aide d un ruban de lanires d corce
tresses diagonalement,
dans
lequel on enroule la masse
de
manioc
cras
; l effet
de pression est produit
par
la torsion et non
par
la
traction, comme dans
le premier cas.
Comme boisson,
les Witoto absorbent de
grandes quantits d paisse
cahuana
, base d amidon de manioc amer et de pulpe de
fruits
de saison.
D autres
boissons
sont
prpares
sans
amidon
: la
chicha de
chontaduro,
eau douce (jus extrait
d une
varit de manioc doux) et
la
a
chucula ,
bouillie de
bananes
douces
allonge
d eau et servie chaude (introduction
rcente).
Aucune
boisson n est
fermente.
La
fermentation
rebute
les
Witoto
tel
point
qu ils jettent le breuvage
ds
qu elle se produit.
Pour les
conserver, viande
et poissons sont
fums ; la salaison
a
t
introduite par les
missionnaires
pour
les
besoins de l internat. Un procd spcial
permet de conserver la masse de pulpe du fruit du palmier
canangucho
pendant
une anne pour augmenter
la
quantit disponible
l occasion
d une
fte.
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272
SOCIETE
DES
AMERICANISTES
La poterie
est
modele par
pices
spares, selon
le
procd au colombin. Un
dcor peint
avec
des
couleurs vgtales
ou
minrales
est
appliqu
parfois
rarement
aprs
la
cuisson,
qui a
lieu
l intrieur de
la
maloca.
La
vannerie connat tout
un ventail
de formes,
de procds et de
matires,
mais
n atteint
pas
la
finesse et
la
richesse
des
vanneries dcores
des
Tucano
du Uaups.
Le coton et les
toffes sont depuis
toujours inconnus.
Aujourd hui
les Witoto
s habillent
de vtements
achets
la
mission et confectionns
par
les femmes ;
les
jeunes filles apprennent la couture
l internat. Elles continuent
pourtant tordre
les
fibres de cumare
[Astrocaryum
vulgare) ; le fil sert au
tissage
des
diffrents types de hamacs. Peu peu
les
hamacs
de coton
(imports) tendent
se
substituer
la
forme
traditionnelle.
Le
tapa
sert
la
confection
des
costumes
de
masques,
du
cache-sexe
des
hommes (tomb en
dsutude)
et
des
bandeaux
avec
lesquels
la femme porte
le petit enfant.
La
poterie
et la torsion du fil de cumare sont du ressort
des
femmes, alors
que
la
vannerie et
la
frabrication
du
tapa rentrent dans
le
domaine
des
activits
masculines,
sans que cette opposition soit catgorique.
Le travail
du bois manifeste, dans cette
aire
culturelle, une nette tendance
vers
les
grandes dimensions : construction
des
malocas
(maisons
plurifami-
liales)
autrefois
bien plus grandes
que les
actuelles, et
qui exigeaient
le
maniement de troncs d arbres normes
servant
de piliers centraux (parfois
dcors
de motifs sculpts) ; poutre
de
danse
de
12
m.
de long, sculpte
aux
deux
extrmits ;
tambours
de communication
mle
et femelle
( manguar )
;
statues
en
pied
des
indiens
Ocaina.
L organisation sociale et crmonielle :
L habitation : Dans l ancien temps,
les Witoto vivaient dans
des
maisons
plurifamiliales (maloca)
qui semblent avoir atteint de trs grandes
dimensions, telles
qu on
ne les voit plus de
nos
jours.
Elles
abritaient
une famille
tendue
ou mme toute
une
ligne.
Il
existe
deux
types de malocas :
l un,
appel
mle , est localis dans
la rgion du Caraparan
; l autre,
dit
femelle
,
couvre la rgion de
l Igaraparana et les territoires plus
au
Nord,
jusqu au Caqueta. Le
dernier type est
aussi
celui des Ocaina,
Nonuya,
Mui-
nan
et
Bora.
La
maloca
figure,
dans
l esprit witoto,
une
personne
accroupie.
Actuellement
le nombre des malocas est extrmement
rduit
: il y en a cinq
dans
tout
l Igaraparana,
dont
une abandonne.
Ce n est
d ailleurs
plus que
le chef de maloca et
sa femme
qui
y
vivent ; les fils,
avant
de se marier,
construisent leur propre
maison
sur pilotis
plus
ou moins
l cart
de
leur
pre.
Fig. 1. Masque
witoto
de
la
vieille (eirngo) qui apparat au
cours
des
ftes
lladiko,
zki et menizai : maillot queue et cagoule en tapa, dessins de style bora, face noire
de
goudron
vgtal. Contre
la
paroi de
la maison, deux
prsences
blanches :
la
photo
du pape et le
filet
papillons
de l'anthropologue.
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274 SOCIT DES AMRICANISTES
Les clans
:
Les
Witoto se groupent
en clans
patrilinaires et patrilocaux
(avec
une
tendance actuelle
la
nolocalit) dont
le nombre
dpassait
lacentaine,
dans
le
pass.
Les
clans portent
des
noms
qui
ne
sont
pas
toujours
drivs de
plantes
ou
d animaux. Des
clans du mme nom existent
dans
diffrents
groupes
dialectaux, les
membres se considrent
alors comme
des
parents extrieurs , mais le
mariage
entre eux est
prtendu
possible, bien
qu on
n en ait
jamais
constat
de
cas. Le
principe
de l exogamie ne
s attache
pas seulement
l unit clanique, mais galement au clan du partenaire cr-
moniel.
Il
n y
a
pas de
mariage
prfrentiel avec la cousine croise. Dans le
pass, un fils
de
chef devait
pouser la
fille d un chef.
A
ct du chef,
il
semble y avoir eu,
d une
part,
des
adjudants
occupant
des charges
spcifiques (par exemple, toasteur
de
coca) ; d autre part,
au bas
de
l chelle sociale,
des
sujets
(le terme witoto
qui les
dsigne
a
galement
le sens
orphelin
.)
Le systme
crmoniel
: Le chef
de
maloca
est le matre
d une
fte,
fonction conue comme une
carrire qui
suit, lorsque le
fils an succde
son
pre dans
la charge de
chef,
une volution
par tapes marques par
des
crmonies
et
des travaux spcifiques (construction de la
maloca,
fabrication
de la
poutre
de danse ou du
manguar
, donation
de noms aux
enfants,
mort). Une carrire crmonielle allie toujours
deux
clans,
deux
matres
de
la mme fte, dans le cas
idal. Chacun
est tour de rle
l hte et l invit
principal. Cette
alliance
est
maintenue
travers
les
gnrations. Dans le
cas o le
nombre
des invits est
trs important,
le
matre
de la
fte peut
dsigner
un
ou
deux
autres invits
principaux qui
suivent la mme
carrire
crmonielle.
A
la
clbration
de toute crmonie prennent part
quatre groupes
de
participants
: le matre de fte (considr
comme
le
pre
de tous
les
participants) avec les membres de sa
maloca,
et les travailleurs qui sont les
allis par
mariage
;
l invit
principal (partenaire crmoniel), avec
les gens
de sa propre
maloca,
est
le chef
des
danseurs ,
c est--dire
de l ensemble
des invits
habitant
les malocas
environnantes. Diffrents types
de
chants
sont interprts par
ces
groupes ;
les
chants
principaux
sont
pays
avec
de la pte tabac et
des
arachides (ou d autres produits agricoles estims).
Le
manguar communique toutes
les
maisons
les
diffrents
stades
de
prparation de la
fte. Quatre
ftes
ont
t pratiques
dans
PIgaraparan,
en
aval
de
La
Chorrera,
ce sont
dans l ordre
hirarchique
allant de la
plus
prestigieuse
la moins importante
: le lladiko,
le
zki, le
menizai
et le
llua. Les trois
premires donnent lieu
des changes entre
produits
de
culture et produits de chasse ; elles comportent, un moment prcis de la
fte,
l intervention
de
masques qui
reprsentent des
animaux (
une exception
prs) ; au cours du llua, par
contre, les
tubercules (culture souterraine) sont
changs contre
les
fruits de saison, accompagns de poisson. Cette dernire
fte semble jouir d un statut plus
important
dans le Caraparan
o
elle
est
associe
la carrire
d uik
(fte du jeu de balle). Des fltes de trois types
7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
10/18
MISSION SCIENTIFIQUE 275
et une sorte
d ocarina
(en calebasse ou en
terre) sont
prsentes dans
certaines
ftes.
Dans
le
zki
et
le
llua,
les
invits
d aval
se
distinguent
des
invits
d amont par
le type
de danse,
le
dialecte et
la
mlodie
des
chants
;
les termes
qui les
dsignent
sont les mmes qui distinguent les gens
du Sud (Carapa-
ran) de
ceux
du Nord distinction qui recouvre galement une ralit
dialectale.
Le droulement
de la fte, depuis
ses
premiers prparatifs, est ponctu
par
une rcitation
(la
parole du pre
)
et quatre incantations qui sont
caractrises par leur
structure
extrmement formelle. La parole
du
pre
apparat sous forme de liste ou inventaire nonant, en
onze
chapitres,
par
des
termes et leurs pithtes, les
concepts
fondamentaux
du
monde ; l ordre
mme dans
lequel
ils sont voqus
retrace le
droulement
des
premires
tapes de la cration. Aucun mythe,
par
contre, n est rcit l occasion des
ftes.
La clbration
des ftes
devient actuellement
de
plus
en
plus
espace.
Le
besoin de biens
matriels modernes
fait que
les
membres
d une
famille
prfrent
souvent
vendre leur rcolte
la
mission
plutt
que de l engager
dans
le jeu des
prestations crmonielles.
Le chamanisme :
Mon
enqute a t trs limite par manque d informateur
suffisamment savant et parce que l interdit
des
missionnaires pse le plus
lourdement
sur
cet
aspect
culturel. Trois oraisons
magiques enregistres
rvlent
une
structure
formelle proche de
celle
de
la
rcitation et
des
incantations
crmonielles.
Jiirg
Gasch.
Les Bora.
Pendant la premire
priode de mon
enqute
(aot
dcembre 1969),
j ai
travaill
dans la famille bora Teteye, du groupe iePhe (canangucha, palmier^
Mauritia flexuosa),
qui possde
la maloca la
plus vaste
subsistant
actuellement sur
l Igaraparana. De
fvrier
juin
1970, aprs avoir
pass un
mois
La
Sabana (Haut-Cahuinari)
o ont eu lieu plusieurs ftes qui ont permis
des enregistrements
intressants, j ai descendu
le
Cahuinari
(affluent du
rio
Caqueta)
avec
deux
Bora
qui m ont aide travailler
avec
les
chefs
de deux
malocas,
l un bora, du groupe mmePebam
( branches
tombes de chonta-
duro
,
palmier Gulielma
Gasipaes),
l autre
miraa,
du
groupe wam
(gua-
camayos, nom local de l ara).
Remontant ensuite
le Caqueta en amont des
rapides
d Araracuara, j ai enfin regagn
l Igaraparana pour
y travailler encore
un
mois avec la famille
Teteye.
Ma
condition
de femme n a
pas
t
un
gros handicap et elle aurait pu l tre,
car chez
les Bora,
ce
sont les hommes qui dtiennent
le savoir,
qui
rcitent
les
mythes,
qui
chantent
et qui dansent. Les
femmes,
qui jouissent d un
statut cependant trs
important,
surtout lorsqu elles sont vieilles,
aident
rciter, chanter et
danser. Punie
ne pas apprendre
le
savoir
acquis,
7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
11/18
276 SOCIT DES
AMRICANISTES
dans le
mythe,
par
un
couple
de hros culturels (frres an et cadet), leur
mre
est
l origine du
silence et de la discrtion observs
par
les femmes
bora.
tant
la
blanche
,
j ai
parfois
t
convie
rarement
manger
avec
les
hommes,
ce
qui tait un honneur. Prise en charge
par
deux
des
fils
clibataires (c est--dire plus
libres
de leur temps que les
autres hommes)
de
la famille Teteye,
ou plus
tard
par mon
guide
dans
le
Cahuinari, j ai
pu
travailler grce leur mdiation constante
auprs
des
informateurs gs,
hommes
ou femmes,
qui ne parlent que bora.
Tous
trois, connaissant
l espagnol, ont t
des
interprtes patients, qui se sont
prts
de
bonne
grce
mon
apprentissage
de
la
langue
et de
la vie
quotidienne
bora.
Les
indiens Bora (appellation
dont l tymologie est
inconnue,
l auto-dno-
mination
de type
totmique
tant
celle
de leurs clans exogamiques) qui
vivent aujourd hui dans la rgion de
Igaraparan et du
Cahuinari
sont
un
peu
plus de
deux
cents.
Une cinquantaine d autres
sont
dissmins
dans
des
lieux coloniss,
sur le
Caqueta
ou le
Putumayo.
Girard
3
chiffre
2 000
les
familles bora,
witoto
et
ocaina
dportes dans la rgion du rio
Yagua-
syacu, au Prou, la
suite des
tragiques vnements
du
rubber
boom ,
au dbut de ce sicle.
Il
signale de
petits
groupes bora, l heure
actuelle
encore
connus, dans cette
rgion.
A
part
quelques familles revenues en
Colombie depuis,
les
Bora
actuels
sont
les
rebelles qui
ont
fui, dans
les annes
20,
les
caoutchoutiers de la
Casa
Arana , se
regroupant
et se cachant dans le
Cahuinari, d o certains
allrent
s installer sur
Igaraparan il y
a une
vingtaine d annes.
L origine gographique
des Bora est
incertaine ; d aprs
eux,
un de leurs
lieux
traditionnels
serait
le
rio Pma, affluent
du Cahuinari, o ils seraient
depuis longtemps
en
contact avec
des
groupes
distincts
d indiens
dits
Miraa,
dont
la localisation
correspond aux rives
du
Caqueta, en aval
des
rapides
d Araracuara jusqu
La
Pedrera
et
la frontire brsilienne.
Les
Bora
et les
Miraa
affirment que des familles des
deux
groupes
vivent
encore en pleine
fort,
dans
la rgion du
Pma, refusant le
contact
avec les blancs. Il est en
tous cas
certain
que, traditionnellement,
les
malocas
taient situes
en fort,
au
bord
de bras de
rivire
carts, l occupation
des
rives de fleuves
importants tant un fait rcent.
La
langue :
J.
et
J. Walton
2
signalent
trois dialectes principaux
du bora
(famille linguistique isole)
parl
en
Colombie
:
le
bora,
le
miraa et
le
mui-
nan.
Le
muinan, distinct du bora, est parl
par un groupe actuellement
rduit
une centaine
d individus, localiss
La Sabana
(Haut-Cahuinari).
Le miraa ne diffre en revanche
du
bora proprement dit que
par
une
diffrence de
prononciation
et
de
certains termes :
Bora
et Miraa
se
compren-
1. R. Girard, Indios selvticos
de la
Amazonia peruana, Mexico,
1958.
2.
J. et J.
Walton, Phonemes of
Muinane,
Phonemic
systems
of
Colombian languages,
3,
ILV-SIL, Mexico, 1967.
7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
12/18
MISSION
SCIENTIFIQUE
277
nent parfaitement, alors qu ils communiquent avec les Muinan, chacun
parlant
sa
langue
et
apprenant
facilement
comprendre
l autre,
mais
ne
la
parlant
pas.
Le
bora
est
compltement
diffrent
des
autres
idiomes
rgionaux
:
witoto,
nonuya,
ocaina.
La
culture matrielle
:
Les
Bora
vivent plus l cart
des
blancs que
leurs
voisins
Witoto.
La division sexuelle du travail semble chez eux plus
tranche :
chasseurs et
pcheurs,
les hommes,
aprs avoir abattu
les
arbres pour
prparer une chagra
(jardin)
participent rarement aux travaux
d ensemencement
ou
de
culture,
qui sont
dvolus aux femmes,
exception
faite du
tabac et de
la
coca dont culture et consommation sont
strictement
masculines.
La
base
de
la
nourriture
est la
galette de casave
faite avec le
manioc amer
(Manihot
utilissima),
suivant
une mthode
distincte de
celle
des
Witoto
que
les
Bora
appellent
tkm (pourris) parce qu ils font
pourrir le manioc
avant
de
le
traiter. Deux
sortes
de manioc doux sont
courantes, l une
consomme comme lgume,
l autre servant
prparer
une
boisson.
Le
mas et le riz sont connus, mais rarement
cultivs
et peu
apprcis.
L arachide, les
bananes
cuire, l igname,
le piment,
compltent
le
rgime
alimentaire,
dont
gibier et poisson sont
les pices
de
rsistance. Les produits
de
rcolte ou
de cueillette sont enfin
l objet
de
prdilection
des Bora : fruits
du
palmier chontaduro,
canangucha
(cf. plus haut), milpeso (Jessenia poly-
carpa),
fruits de
l umari (Poraqueiba
paraensis et sericea) qui porte le nom
de leur hros culturel le
plus
important caimos [Chrysophyllum
Caimito),
uvas
(Pourouma
sapida),
fruits du
palmier
coco (Astrocaryum vulgare),
anone
(Anona
squamosa),
ananas.
Les
champignons d arbre
et
deux
sortes
de
miel
sont
occasionnellement
consomms.
Les
mojojoy
(vers palmistes),
trs
priss chez
les Witoto
pour
leur apport
en lipides, le sont moins chez
les
Bora qui leur prfrent
l huile de
tapir
ou les
ufs
de
charapa
(tortue
d eau).
Avec le dfrichage
de
la fort, la chasse
et
la
pche
sont
les activits
principales
des
hommes,
qui partent
souvent
avec
ou
sans leur famille
pour
plusieurs
semaines.
Autrefois, les
Bora
ne
tuaient
pas le jaguar et le boa et
ils disent
que
ce n est
que depuis qu ils
tuent le jaguar
que
celui-ci est devenu
mchant. D une faon gnrale,
la
chasse ou la pche
des
gros animaux
consomms (tapir
et bagre, en
particulier,
alors que
ni le boa, ni le jaguar
ou
l ocelot
ne
le
sont)
taient
l objet
d interdictions
ou
de
rgles
magico-
religieuses prcises
et
crent
actuellement
des
litiges
entre
la
jeune
et
la
vieille gnration,
Les
grandes
chasses
ou du moins leur frquence accrue
sont
probablement
un fait
rcent, consquence des besoins crs par
l introduction du fusil, de la hache, de la machette,
des
lampes
de poche,
des
hameons et des cartouches.
La
vente de
gibier,
de poisson ou de
peaux
de btes
(jaguar, ocelot,
loutres,
caman,
iguanes) permet d acqurir
ces objets et
d autres comme le tissu ou
les
vtements, le
sel
et
les
allumettes,
d usage
courant, au magasin de
l internat
de La Chorrera
ou des
lanchas
qui
7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
13/18
278
SOCIETE DES AMERICANISTES
Fig. 2.
Cuisine
bora :
lessivage
de
la
masse de manioc amer
pour
en
extraire l acide prussique et l amidon.
remontent parfois
l Igaraparana. Les
Bora
de
la rgion du
Cahuinari et de
son
embouchure
sur le Caqueta sont
commercialement
hors du circuit
ou
doivent
descendre jusqu La Pedrera
pour
s approvisionner,
ce
qui
reprsente
un
voyage
considrable.
La sarbacane, tombe en
dsutude,
ne subsiste plus que comme un
jeu
d enfant.
La
lance avec ou
sans pointe
dtachable
a
t
abandonne,
le
harpon
est encore utilis
pour
la
chasse au
caman,
aux iguanes
fluviatiles
et
aux gros
poissons.
Comme
la
hache pour
l abattage
des arbres, la
machette et
le fusil sont devenus indispensables. La pche
la
ligne est une
spcialit
blouissante des
Bora, mais
la
pche
la machette, nocturne,
ou au
moyen
de divers piges en bois ou en vannerie, de mme que
la
pche au poison
(barbasco)
en t, lui sont prfres.
Les
Bora
sont de pitres leveurs :
les
poules se nourrissent toutes seules
et
l ventuel
et rarissime cochon,
voleur
et destructeur
des
abords de
la
7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
14/18
MISSION SCIENTIFIQUE 279
maloca, finit par
tre mang un jour de
famine
plutt que vendu
ou
accoupl
en
vue d une
porte de porcelets.
Les
chiens,
trs
apprcis
quand
ils
sont
chasseurs,
ne sont
pas
nourris
sauf
dans
le
cas
du
dpeage d une
bte
importante, par exemple
le tapir,
ou
non
consomme par l homme,
la
raie
venimeuse entre autres.
Les
Bora
aiment, en
revanche, apprivoiser
certains
singes ou des
oiseaux.
La cuisine : Elle se
caractrise par
une
prdilection
pour ce
qui est
blanc,
frais et fade,
le
bouilli primant
absolument sur le
rti. Le
piment,
la
pte
de tabac assaisonne de
sel extrait
encore
actuellement
de
l corce
ou
des
racines de certains
arbres, le
sel
minral
et
le
sucre acquis
des
blancs,
le
miel,
sont les saveurs les plus apprcies. Le
Bora
avoue
ou vante son
peu
de
recherche
en matire de cuisine :
il
n est intransigeant que sur la fracheur
des
aliments. Pas plus que
le
Witoto,
il
n aime
ce
qui
est
ferment et
il n admet
la
saveur doux-acide que dans
certains
fruits
sauvages
ou
la
chicha
de
miel
colmena . Le citron,
cultiv, se
consomme
avec du sel,
comme
remde.
Chez
les
vieux, la
consommation
de la
coca
est quotidienne et consacre ;
chez
les moins de trente ans, occasionnelle seulement,
avant
et pendant
l'effort
gnralement.
Spcialit fminine, la poterie,
rendue
tanche
par lissage et
enfumage,
parfois orne d incisions frottes de terre blanche, est fabrique suivant la
mthode trs
primitive du modelage.
La
fabrication des
hamacs, dont
il
existe au moins cinq
techniques,
est en revanche une
spcialit
masculine.
Hommes
et femmes sont de bons vanniers. L corce battue et peinte
des
cache-sexes ou
des
chemises
d autrefois
a
cd
la
place
au
pantalon,
la
chemise
et la robe ; elle sert cependant encore la fabrication
des
masques
et
des
supports
pour
les plumes
des
coiffures de fte.
Il
arrive
qu on voie
encore tisser des
brassards ou
des
jambires
en fibres
de palmier.
Le travail
du bois est remarquable : construction
des
maisons,
des
canots,
fabrication
d armes ou d outils
(piges, rabot,
rpe manioc), de
petits
siges
zoomorphes,
sculpture du
fameux kpi en
bois
de
balsa
orn de
peintures.
La
sculpture de statues en bois dans
les
piliers d entre de
la
maloca
n est
plus qu un
souvenir, celle des
tambours mle et
femelle
( manguar )
subsiste
; sa
confection
est
une spcialit
du chaman.
Comme la poterie,
les
peintures corporelles ou
des
masques sont
encore
excutes par une
femme du
groupe,
considre
comme la spcialiste. Il
s agit
gnralement
de
la
femme
du
chef
ou
de
sa
fille
ane. Les techniques
d assemblage de plumes (coiffes de fte, ornements de jambes ou
d oreilles)
sont
encore
connues mais rarement excutes,
l exception du
collage de
duvet
d aigle
ou d une espce de laine provenant des
fourmilires sur le
corps
des enfants
auxquels sont transmis les noms
du
pre (chef de maloca)
et de la tante
paternelle,
ou d anctre.
Le
cycle de
vie : Les rites de
naissance (couvade, interdits
alimentaires,
peinture corporelle du nouveau-n) sont encore en vigueur, alors que
ceux
7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
15/18
280 SOCIT DES AMRICANISTES
d initiation
(rclusion
de la jeune fille
pubre
et du jeune homme) sont
compltement
abandonns.
Le
mariage n est
pas
une
crmonie
et
le
choix parat
libre, quoiqu il
semble subsister
un mariage
prfrentiel avec
les
frres
et
surs du mari de la fille ane.
Les
Bora enterrent
actuellement leurs
morts
dans
des cimetires loigns
de la maloca. Ils sont trs rticents pour parler de
l ensevelissement
traditionnel
dans le sol de la maloca ou dans
des
spultures
annexes (dans
le cas
des
chefs), probablement
du
fait de
la
proximit
des
Capucins.
A
leur
naissance, les
enfants de
chef
reoivent
un sobriquet
;
l adolescence
(12 ans environ),
un nom vritable, classificatoire, gnralement en
relation de type mtonymique
avec
celui
du clan
et
du gniteur,
ou de
la
tante
paternelle
dans
le cas des filles. Quand ils
ont
des enfants, ils en
reoivent un autre moins beau , et
la
vieillesse un nom laid .
Cette
sorte
d accession
par
tapes nommes
et
dvalues
jusqu
la
snescence
est
en
train de tomber en
dsutude,
le nom classificatoire seul
subsistant.
Actuellement les naissances sont recenses sous peine d amende et les enfants,
baptiss,
reoivent un nom
chrtien du
Pre
capucin.
L organisation sociale et crmonielle
: La maloca bora
(maison
plurifami-
liale)
est
une
structure
quatre
piliers
centraux semblable
celle des
Witoto,
conue dans l esprit
des Bora
comme une femme
accroupie.
Comme chez
les Witoto, elle
n abrite
plus
actuellement
un lignage tout entier
ou
une famille
tendue , mais
seulement le chef, sa femme
et ses
enfants, ventuellement
la
sur ane du chef ou une aeule.
Il
reste
deux
malocas sur l Igaraparana,
dont une assez vaste de 16 m.
de
diamtre, et trois dans
le
Cahuinari.
Les
clans
patrilinaires
et
patrilocaux
sont
exogamiques. Les Bora
confondent tous
les
cousins qu ils
appellent
frre ou sur et avec lesquels
ils ne
se
marient pas.
Ils nomment le
beau-pre et
la
belle-mre comme
l oncle et la tante. L absence de diffrence entre
les
oncles et
les tantes
paternels et maternels semble due
ce
que la transmission
des
noms du chef et
de
la sur du
chef au fils et la
fille ans
ne
se
fait pas de
faon exclusive,
mais
seulement
prfrentielle, dans la ligne du pre.
En
effet, quand ce
dernier
est un
chef
qui n a pas t nomm au cours
d une
fte (parce qu il
n est pas un
an), mais
qu il a pous
une
femme
d un
autre clan qui,
elle,
a t nomme comme fille ane, la transmission se fait dans la ligne
de
la mre,
les
enfants
recevant les noms de
la
mre et de l oncle
utrin.
Le
partenaire
et
la
rciprocit crmoniels
sont du
mme
type
que
chez
les Witoto, mais l organisation
et le genre des ftes
offrent
de nombreuses
diffrences.
Les
ftes de
baptme sont encore trs importantes, le
chef
de maloca
transmettant
son
nom et celui de
sa sur
(ans) son fils et
sa fille
ans
vers l ge de 12
ans
en
mme
temps que
le
nom
du frre
et de
la sur
puns
un
fils
et
une
fille puns,
ou
des cousins
croiss.
Pendant
les
jours prcdant
la fte,
durant lesquels
on
taille
la
poutre de danse et on
prpare les provisions de
cahuana
(boisson rituelle base d amidon de
7/23/2019 Guyot - Relatrio de Pesquisa
16/18
MISSION SCIENTIFIQUE 281
manioc), de tabac et de piment, des mythes sont rcits ;
autrefois
se
pratiquait
le
jeu
de
balle
qui
est
actuellement
abandonn
(remplac par
le
football ). La fte proprement dite commence l heure
o le
soleil est
son
znith :
les
enfants
sont
baptiss. Le chef
de maloca prononce chaque nom
(ractulisant
le
comportement
du
chef mythique qui a clbr
le premier
baptme)
et chaque
membre
de
la famille, qui dtient
les
rcipients
de jus
de tabac
et
de piment en poudre, rpte le nom.
Les changes
rituels
ont
lieu
ensuite au cours
d une
espce de comptition : coca
des
invits contre jus
de tabac et piment pulvris de
la famille
de
la maloca. Avant la
tombe
de
la
nuit, les invits vont se laver, vomir (ivres de jus de tabac) et changer
de vtement.
Les
danses, accompagnes de chants qui font
allusion
certains
pisodes
des mythes,
commencent
avec la
nuit et cessent
ds que
l aube
pointe.
La
transmission de
noms
quatre
enfants
n a
lieu
que
dans
les
malocas
les plus importantes
: bPha (dont
aucune
ne
subsiste
l heure actuelle)
et
tdigwaPha .
Le chef d une
maloca
plus
modeste
ou
ckomPha (signification
inconnue)
n a le droit de transmettre
son
nom et
celui
de
la
tante
paternelle qu
deux
enfants
: le fils et
la
fille ans.
Un
frre
de chef
peut,
s il en a les
capacits
conomiques et
le prestige
social, clbrer une fte appele picoPpa (signification
inconnue) au
cours
de laquelle le nom
d un
aeul (pas le
sien)
est transmis
son
fils
an.
Les
enfants
ainsi
nomms
sont
les
Bora
qui
possdent
le statut
social
le plus important.
quivalent bora du lladiko witoto, la fte de tdzigwa ou de drigwa 2
semble participer
d un
systme
hirarchique,
social
et
architectural,
dans
lequel le
fils
et la fille ans hritent du statut, des droits et des devoirs du
pre et de la tante paternelle.
11 s agit d un
hritage qui est de droit (quasi
divin,
car tout
chef nomm
s appelle
aussi
nmPe (umari),
nom
du hros
culturel le
plus
lev), acquis l adolescence et non l issue
d une
carrire
crmonielle comme dans
le
cas witoto.
D autres ftes
comme les fameuses
bPha (quivalant
au
zki
witoto),
tPmaci (chants
de sang, fte d exocannibalisme), tri
(fte
de la
charapa ),
iPciba
(de
l aigrette blanche), typiquement bora, ne sont plus clbres, mais
leurs
chants
sont encore
excuts.
La fte de
chontaduro ou
mmeba
(chicha
de chontaduro) n a pas d quivalent chez les
Witoto
mais
semble
offrir des
traits
comparables avec
la
fte
de
chontaduro
des
Yukuna
du
Miriti-Paran.
La fte apko, quivalent du llua
witoto,
est
celle
qui entrane le moins
de
prestations conomiques : elle
est
clbre couramment, l occasion de
tra-
1.
ha :
maison
;
gwa
: superficie plane, poutre ;
tdzi
: asai ,
sorte
de palmier, non
ident.) ; litt.
maison
de
la
poutre
asai , allusion
la
poutre de
danse
percute par
les pieds des danseurs.
2. Syn. de tdzigwa,
mais
clbre
pour
inaugurer une maloca plus
importante
que
la
tdzigwapha, avec
une poutre de
danse taille
dans un
bois plus
dur.
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SOCIT
DES
AMRICANISTES
vaux en commun, et les
Bora y
chantent les travaux
des
champs (dfrichage,
rcoltes,
semailles),
les
fruits,
les
animaux qui
participent,
en
bien
ou
enmal,
aux
cultures
ou
qui
partagent
le
got
des
hommes
pour
leur
produit.
Le
chamanisme :
II
est encore vivant
et les
Bora en
parlent
avec
rticence.
La rcitation de mythes est considre comme une pratique chamanistique
et
tout
chef de
maloca est
donc
tenu
de
devenir
plus ou
moins
chaman,
en
dehors
du fait
qu il
existe des
spcialistes
(parmi
lesquels on
cite le
nom
d une
femme).
L un d entre eux
vit
encore dans
la
rgion de
l Igaraparana,
un autre
est mort il y
a deux
ans
dans
celle du
Cahuinari. Une
cure,
pratique
rcemment,
comportait une
transe
conscutive
l absorption de jus
de tabac
sal,
au cours de laquelle le chaman tombe comme mort. Les
assistants (famille du malade) conversent avec
ses voix
:
l une,
la
bonne, celle
qui
sait
indiquer
le
remde, parle bora
;
l autre,
la
mauvaise,
qui
refuse ou
ne connat pas le remde, parle
ocaina
1. Malgr
la
dculturation entrane
par l enseignement
des enfants
l internat
et
la non-transmission des
savoirs,
le chaman est toujours redout.
Son savoir
et
ses
pratiques semblent
tre
intimement
associs
aux
rgles
de
chasse, de pche, de
la cueillette, des
luttes intertribales et
des
rites
d exocannibalisme.
Un
des
buts
principaux
d une enqute
complmentaire
sera
d approfondir l information
au
sujet du
chamanisme.
Mireille Guyot.
De
juin 1969
juillet 1970, Mireille Guyot et Jurg Gasch ont accompli
une
mission
ethnographique
en
Amazonie
colombienne, dans
la
rgion
comprise
entre
deux grands affluents septentrionaux de l Amazone,
le rio
Putumayo et
le rio
Caqueta. La mission tait finance par des
crdits
du Fonds National Suisse
pour
la Recherche
Scientifique et par
la
Werner
Reimers-Stiftung
fur anthropogene-
tische Forschung , Bad Homburg (RFA), ainsi que par
des subsides
accords
par le
Centre
National
de la
Recherche
Scientifique franais et
par
la
Smithsonian
Institution
,
Washington
(
Committee
on
urgent anthropology ).
M.
Guyot et
J.
Gasch
ont
travaill en Colombie sous
les
auspices de
Instituto
colombiano
de Antropologia
; ils
en
remercient le directeur, M.
Manuel J.
Casas Manrique
et le sous-directeur, M.
Francisco Marquez
Yez,
pour
le soutien efficace
dont
ils
les
ont fait bnficier.
Leurs
remerciements
s adressent galement la
Mission des
Capucins catalans
et des surs
de la Mre
Laura
de la
Comisaria del Amazonas et
de
La
Chorrera
en
particulier,
qui les
ont
aids
par
leurs
moyens
de
communication
et
dont
l hospitalit a t
des plus gnreuses ; au Summer Institute of
Linguistics
dont
le
service de transports ariens leur
a
permis
d conomiser un
temps prcieux pour
leur
travail ; la
Fuerza
Naval del Sur
et
plus prcisment
au commandant
de la base de
Puerto
Leguizamo,
le
Capitaine de Frgate Jorge E. Vera Pineda,
1.
Les Ocaina, teints l'heure actuelle
l'exception
de
quelques
individus, ont t les
ennemis traditionnels des
Bora.
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MISSION SCIENTIFIQUE
283
dont
l assistance a
seule permis de sortir de la
fort
du matriel comprenant une
collection ethnographique importante.
Leur reconnaissance
va
enfin
aux
firmes
suisses
Ciba,
Flawa,
Geigy,
Hoffmann
La-
Roche, Sandoz, Wander,
leurs
filiales
colombiennes,
ainsi
qu
Bayer de
Colombie
dont
les cadeaux
en
mdicaments et matriel
de pansement
leur ont permis
de remdier leurs propres maux comme ceux
des
indiens qu ils ont
frquents
;
Nestl-Cicolac qui leur
a fourni
des ressources
alimentaires.
Les Professeurs G.
Reichel-Dolmatof et Alicia
Dussan
de Reichel n ont pas
cess
de
montrer intrt et sympathie
pour
leur mission,
ds
ses tout
premiers
prparatifs. Qu ils
en
soient remercis ici, eux
aussi.
Au cours
de cette
mission M.
Guyot
s est
consacre
l tude
des
indiens
Bora,
J. Gasch celle des Witoto.
Fig. 3. Sarclage d'une chagra chez les Muinan.
A
l'arrire-plan,
les
boutures de manioc frachement plantes.