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Pepe Carvalho d’après Manuel Vázquez Montalbán
6 x 90 minutes
Contact presse: Virginie Doré /Grégoire Mauban - 01 55 00 70 46 / 48 - [email protected] / [email protected]
sommaire
● La collection : les titres et les dates de diffusion
● ARTE présente la collection Pepe Carvalho
● Une coproduction européenneUn texte de Jérôme Minet, producteur.
● Manuel Vázquez Montalbán : biographie et interview
● Juanjo Puigcorbé : biographie et interview
●Jean Benguigui : biographie et interview
●Les dossiers de presse des téléfilms
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La collection
● LE PETIT FRERE
de Enrique Urbizu - (86 minutes / Espagne)
> Vendredi 10 septembre à 20.45
● HISTOIRE DE FAMILLE
de Emmanuelle Cuau - (86 minutes / France)
> Vendredi 17 septembre à 20.45
● L’AVANT CENTRE SERA ASSASSINE A LA TOMBEE DU JOUR
de Franco Giraldi - (92 minutes / Italie)
> Vendredi 24 septembre à 20.45
● LA SOLITUDE DU MANAGER
de Merzak Allouache- (95 minutes / France)
> Vendredi 1er octobre à 20.45
● SHEHERAZADE
de Franco Giraldi - (94 minutes / Italie)
> Vendredi 8 octobre à 20.45
● LA NOSTALGIE COMMENCE DANS L’ASSIETTE
de Rafael Moléon Gavilanes - (86 minutes / Espagne)
> Vendredi 15 octobre à 20.45
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La collection Pepe Carvalho
Cette collection s’inspire du personnage mythique de Pepe Carvalho, imaginé il y a
vingt-six ans par l’écrivain catalan Manuel Vázquez Montalbán. À ce jour, les aven-
tures du privé de Barcelone ont été traduites dans toutes les langues européennes,
faisant de Montalbán l’écrivain espagnol le plus lu aujourd’hui.
Au cours de six histoires adaptées de romans ou de nouvelles choisis par l’écrivain
lui-même, on découvrira le monde mystérieux de ce détective hors du commun.
Privé marginal, ancien militant anti-franquiste, témoin désabusé de son siècle, épi-
curien du sexe et de la bonne cuisine, Pepe Carvalho (Juanjo Puigcorbé) mène ses
enquêtes cosmopolites entre une Barcelone post-movida et l’Europe d’aujourd’hui.
Autour de lui gravite une étrange famille : sa maîtresse Charo (Valeria Marini),
ancienne dame de petite vertu, son assistant et fin cuisinier Biscuter (Jean Bengui-
gui), son informateur et confident Bromure (Walter Vidarte), ancien légionnaire.
Au cours de ses aventures, ce privé pas comme les autres affronte la corruption poli-
tique et le pouvoir des médias, le monde du football et celui des travestis, les tueurs
en série et les nouvelles mafias...
Réalisée par des cinéastes européens qui y impriment à chaque fois leur “patte”, la
collection Pepe Carvalho invente un vrai polar à l’européenne, moderne et sensuel,
politique et humain.
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Trois questions à Pierre Chevalier,responsable de l’unité Fictions de La Sept ARTE.
Pepe Carvalho est-il le “héros récurrent “ d’ARTE ?
Le “héros récurrent” – un personnage dont on suit les aventures de semaine en semaine,
avec des épisodes “bouclés” – est devenu une vraie forme télévisuelle. ARTE souhaitait,
à son tour et à sa façon, imaginer le sien. À la télévision française, ce héros a une
typologie bien particulière : il s’agit généralement d’un personnage modèle, appartenant
à la fonction publique (commissaire, juge, instituteur...). Chaîne de service public, ARTE a
tout naturellement opté pour... un privé ! Et un privé de Barcelone, qui plus est, plutôt
qu’un douanier à la frontière du Rhin... Plus sérieusement, Pepe Carvalho est un détective
d’une grande richesse. Il est l’essence même de la Catalogne, de cette Barcelone ouverte
sur le monde et sur l’étranger. Le personnage a un ancrage local, mais aussi un vrai passé
politique et humain. Il est, selon ses propres termes “ex-flic, ex-marxiste, mais vraiment
gourmet !” Son désespoir agit sur lui comme un aiguillon : face au crime, Pepe ne baisse
pas les bras. Il assume une responsabilité individuelle face à l’irresponsabilité collective
ou institutionnelle – ce qui en fait un personnage très moderne. C’est, certes, un anti-
héros, mais très récurrent : il n’arrête pas de revenir à la charge, de questionner, de
réapparaître, surtout quand on ne l’attend pas...
Comment a-t-on adapté les livres de Montalbán ?
Écrivain prolifique, infatigable, Montalbán écrit non comme un mais comme plusieurs
j o u rnalistes. Il est à la fois chroniqueur judiciaire, journaliste politique, critique
gastronomique... Le Montalbán romancier utilise les ficelles du journalisme au service
d’une écriture très personnelle. Il cultive l’anecdote, la péripétie, la digression... ce qui
pose évidemment de grands problèmes d’adaptation ! Il a fallu simplifier, épurer, tout en
gardant dans chaque épisode deux intrigues croisées. Nous avons aussi choisi, en
accord avec Manuel Vázquez Montalbán, de rajeunir et de moderniser le héros. Incarné
par Juanjo Puigcorbé, notre Carvalho a la quarantaine.
Pourquoi les enquêtes de Carvalho l’emmènent-elles en Italie ou en France ?
Dès le départ, nous souhaitions que la série soit une coproduction européenne avec
différents réalisateurs et différents lieux de tournage. ARTE a pu mener à bien ce projet
grâce à la participation de Rai 2 en Italie et de Canal 5 en Espagne, dont c’est le premier
investissement en fiction. C’est une vraie aventure européenne, jusqu’au choix des
acteurs principaux (un Espagnol, un Français, une Italienne) : Juanjo Puigcorbé
(Carvalho) est très connu dans son pays, c’est un peu le Daniel Auteuil espagnol. Valeria
Marini est une véritable star en Italie, et Jean Benguigui est formidable dans le rôle de
Biscuter, le confident. Au final, chaque réalisateur s’est approprié la série, amenant sa
propre vision du personnage, de la stylisation à l’humour. Pour nous, il s’agissait d’un beau
pari de télévision : télescoper le genre du héros récurrent avec des visions singulières de
réalisateurs.
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Note du producteur
Pepe Carvalho : héros littéraire, détective privé aux enquêtes toutes personnelles et bien loin
des codes habituels. Hédoniste catalan, ancien militant anti-franquiste il a refusé de suivre le
chemin technocratique de la démocratie.
Comment ne pas banaliser ce personnage en en faisant le héros consensuel d’une collection
pour le public de chaînes de télévision aussi différentes que TELECINCO, RAI ou ARTE ?
Comment transformer cette difficulté en richesse, tel était l’enjeu de notre coproduction
hispano-franco-italienne.
Les sujets choisis par Manuel Vázquez Montalbán ont ainsi permis de créer cette première
collection de six films traitant de la nouvelle corruption à l’échelle européenne et des tensions
dues à la mondialisation, vues par le prisme de réalisateurs de nationalité différente.
La collection représente en 1999 la seule expérience de réelle coproduction européenne sur
une série à héros récurrent entre trois pays, l’Espagne, la France et l’Italie.
Réalité financière de la coproduction mais également de tournage : sur le plateau, les acteurs
principaux, les équipes techniques et artistiques parlaient espagnol, italien, français, voire
catalan! Les films ont été, quant à eux, tournés en majeure partie à Barcelone. Pour les
extérieurs bien sûr, mais également pour certains intérieurs : le bureau et la villa de Carvalho,
construits en studio.
Trois films (les deux espagnols, et Histoire de famille, l’un des films français) se situent
intégralement à Barcelone. La Solitude du manager, le deuxième film français se déroule en
partie à Paris, et les films italiens sur la Riviera toscane et à la Pérouse.
C’est de cette rencontre entre le personnage de Montalbán et des histoires contemporaines et
européennes dans le cadre d’une production européenne tripartite qu’est née la collection
Pepe Carvalho que nous sommes aujourd’hui heureux de pouvoir proposer au public
européen, et à celui d’ARTE en particulier.
Jérôme MINET
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L’auteur
MANUEL VÁZQUEZ MONTALBÁN
Né en 1939 à Barcelone. C’est en prison, sous Franco, que Manuel Vázquez
Montalbán commence à écrire. Les aventures de Pepe Carv a l h o, “privé mélancolique
et nihiliste actif”, sont la partie la plus visible du travail de cet écrivain prolifique, auteur
d’une quarantaine d’ouvrages, tour à tour ro m a n c i e r, essayiste, polémiste, journ a l i s t e
politique, gastronomique et poète. Ces 20 romans, traduits en 24 langues, vont faire de
Montalbán l’écrivain espagnol le plus lu chez lui et à l’étranger. Pepe Carv a l h o naît en
1972 avec J’ai tué Kennedy mais c’est M a rquises, si vos rivages... qui le consacre en
1979 auprès du public et de la critique. Le prix Planeta (équivalent espagnol du
G o n c o u rt) et le Grand prix de la littérature policière en France seront les premiers d’une
longue série de récompenses. Pour Montalbán, qui se définit comme un “ c o m m u n i s t e
hédoniste et sentimental”, les Carvalho sont “la chronique d’une époque de transition,
non seulement celle de l’Espagne de l’après-franquisme mais de toute l’Europe. (...)
J’utilise une stru c t u re énigmatique pour entamer un discours à caractère social, une
réflexion sur le pouvoir, la politique...”
Entretien avec Manuel Vázquez MONTALBÁN
En fonction de quels critères avez-vous choisi les romans et nouvelles dont
sont tirés les films ?
Le choix s’est fait en fonction de plusieurs critères : les romans qui n’avaient pas été adaptés
et dont les droits étaient disponibles, ceux qui semblaient les plus riches
cinématographiquement parlant. Enfin, les histoires devaient pouvoir être transposées et
s’ancrer dans la société et les problèmes d’aujourd’hui, en conservant leur dimension critique
politique et sociale.
Dans les films, le personnage de Pepe Carvalho a été rajeuni. Quelle est sa
mémoire historique ?
L’âge a été effectivement le principal changement : dans les romans, Carvalho a une
soixantaine d’années et au cinéma, il a l’âge de Juanjo Puigcorbé, environ 45 ans. Il a une
mémoire plus courte, moins dramatique. Il n’a pas connu l’après-guerre et la période la plus
dure du franquisme. Ce Pepe-là a été étudiant dans les années 70 qui représentaient l’étape
terminale de la dictature. Mais j’ai exigé que le rôle de la mémoire soit respecté, qu’il y ait cette
réunification de la mémoire personnelle et historique. Sans la mémoire historique, le
personnage de Pepe n’existe pas, il est nul.
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Si, dans 15 ans, Pepe avait toujours 40 ans, cela voudrait dire qu’il n’aurait
pas du tout connu l’Espagne du franquisme ?
J’espère ne pas en être le témoin ! Cela dépendra des rapports de mes héritiers avec
l’industrie audiovisuelle !
Quel visage avait pour vous Carvalho ?
Dans ma tête, Carvalho, c’était Jean-Louis Trintignant ou Harvey Keitel. Mais j’aime
beaucoup l’interprétation qu’en donne Juanjo Puigcorbé. En Espagne, c’est un acteur
très connu et très mobile, qui parcourt tous les registres. Il porte donc tous les possibles.
Les précédents Carvalho avaient tendance à trop parler, lui suggère plus qu’il ne parle et
je trouve cela juste.
Pepe Carvalho et Biscuter, c’est Don Quichotte et Sancho Pança ?
Oui, ou Phileas Fog et son valet... C’est un couple “maïeutique”, l’idéaliste et le
pragmatique, qui établit des rapports dialectiques entre des conceptions différentes de
la vie. Mais ce n’est pas carré, Biscuter est parfois beaucoup plus idéaliste que Pepe...
Avez-vous collaboré à l’écriture ?
J’ai donné des orientations sur des aff a i res qui me semblaient part i c u l i è re m e n t
représentatives de la société d’aujourd’hui. En Espagne, par exemple, on était en plein
déballage des histoires de corruption du parti au pouvoir, le PSOE. On retrouve cela dans
Le petit frère. Ensuite, j’ai lu tous les scénarios mais je n’ai pas directement travaillé avec
les scénaristes. Je pense que la collaboration est impossible entre un scénariste et un
écrivain, parce que ce dernier se sent propriétaire d’une idée et d’un imaginaire. C’est
toujours difficile de confier son personnage à un autre. On a souvent une opinion
différente sur l’interprétation, l’impression d’être trahi. C’est pour cela que je ne suis pas
la personne la plus adéquate pour faire la critique des films. Mais je pense qu’il y a eu un
véritable effort de la part de la production de respecter le regard de Carvalho. C’est une
version plus “light”, l’accès à un public plus large conditionnant le message critique.
Le lecteur peut également s’approprier les romans. Quelle est la différence
entre le lecteur et le spectateur ?
La liberté d’interprétation d’un lecteur est plus grande que celle d’un spectateur. Le choix
d’un acteur limite déjà la sémiotique du personnage. Le spectateur doit être dans une
disposition d’esprit différente de celle du lecteur, il doit abandonner cette perspective.
Les Pepe Carvalho deviennent autre chose.
Pour l’écrivain que vous êtes, en quoi consiste une adaptation idéale ?
Elle dépend du talent du réalisateur, qui doit concilier traduction et trahison. La vérité du
cinéma est différente de la vérité littéraire et il faut l’ambition et la volonté de traduire le
code linguistique littéraire en code audiovisuel. Un respect excessif du littéraire comporte
des aspects négatifs, comme c’était le cas pour les adaptations précédentes de Pepe
Carvalho. Si la volonté n’est pas claire, si l’ambition manque, la nouvelle forme n’arrive
pas au bout, elle s’arrête à mi-chemin.
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Les Espagnols ont très à coeur de présenter une Espagne moderne, ouvert e
sur l’Europe. D’où vient cette sensibilité à la façon dont ils sont représentés ?
Il y a un complexe des Espagnols vis à vis des Français. Le regard des Français sur
l’Espagne est un héritage du XIXème siècle, des écrivains voyageurs comme George
Sand, Théophile Gauthier, ou au XXème siècle, Francis Carco et Paul Morand. Pour eux,
c’est l’Afrique qui commençait au delà des Pyrénées ! Mais Barcelone était une ville
particulière, plus canaille. Elle était le produit du métissage entre une bourgeoisie
industrielle et moderne, de culture française et la cité populaire de la révolte, du Barrio
Chino. Aujourd’hui, la ville veut s’établir comme une ville moderne, une capitale
européenne à l’égal des autres. Je trouve ça un peu pasteurisé, prophylactique, empreint
de peur du passé. C’est typique du regard post-moderne qui veut “dé-historiser” la
mémoire. J’aimais mieux son imaginaire métis et, quoi qu’on en dise, il y a quand même
encore quelques “limpiabotas” (cireurs de chaussures) dans Barcelone...
Les films sont très ancrés à Barcelone. Où en est Pepe Carvalho dans ses
rapports avec cette ville ?
Sabotage olympique, écrit parallèlement aux Jeux Olympiques de 1992, est le dernier
roman de Carvalho qui se déroule à Barcelone. Elle avait tellement changé que je ne m’y
retrouvais plus. Depuis, j’essaie d’y ramener Carvalho, de reconstruire un imaginaire de
cette ville, sous forme de petites histoires. Mais, c’est plus fort que moi, j’ai quand même
proposé au maire de la ville de faire construire un parc d’attractions médiatiques qui serait
consacré au passé canaille de Barcelone!
Que devient Pepe aujourd’hui ?
Il est en vacances ! Plus sérieusement, je pense à une sorte de tour du monde de Pepe
avec Biscuter qui conclurait en quelque sorte sa vie de privé. Carvalho ne peut plus
continuer comme avant, ce n’est plus adapté à son âge et au monde actuel, aux nouvelles
formes de criminalité, les mafias, etc. La possibilité d’action d’un privé s’est réduite. Il y a
une vraie “conflictivité” autour du besoin d’information qu’ont les systèmes de pouvoir. Il
faut que Carvalho devienne autre chose, une sorte d’espion contemporain peut-être!
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Les principaux acteurs
Juanjo PUIGCORBÉ dans le rôle de Pepe Carvalho
Barcelonais de pure souche, Juanjo Puigcorbé est un acteur très connu en Espagne que
l’on pourrait rapprocher de Daniel Auteuil en France. Le public a pu l’apprécier aussi bien
au théâtre sous la direction de Pilar Miro, Lluis Pasqual et Jorge Lavelli, qu’à la télévision
et au cinéma. En douze ans, Juanjo a tourné 38 films dont L’amour nuit gravement à la
santé de Manuel Gomez Pereira, grand succès du Box Office espagnol en 1997. Il a
également joué pour Alain Tanner dans le Journal de Lady M en 1992 et dans les Gens
d’en face de Jesus Garaï, un épisode de la collection d’ARTE “Simenon des tropiques”.
Avec Pepe Carvalho et La nostalgie commence dans l’assiette, il retrouve le metteur en
scène Rafael Moléon Gavilanes avec qui il avait tourné Regard liquide en 1996 .
Entretien avec Juanjo PUIGCORBÉ
Avec vous, Pepe Carvalho prend un coup de jeune. A quoi cela obéissait-il ?
Au fil des romans de Montalbán, le personnage a effectivement vieilli. Il a la quarantaine
quand il démarre et dans le dernier il a une bonne soixantaine d’années. Pour les
producteurs de la série, il était clair que Pepe devait avoir le même âge dans les six films.
Mon âge, donc la mémoire et le passé d’un homme de 43 ans, pouvait fonctionner. C’est
la différence la plus saillante avec le roman, que Montalbán a acceptée. La fidélité n’est
pas une fin en soi. Même en Espagne, tout le monde ne connaît pas Pepe Carvalho et ce
rajeunissement permettait de le rapprocher du public.
Comment décririez-vous Pepe Carvalho ?
Pour un acteur, c’est un personnage idéal ! Il possède un mystère. C’est une sorte de
sage sceptique, ironique, intelligent. C’est aussi un marginal qui s’est constitué sa tribu,
Charo, une ex-prostituée, Biscuter, qui a fait des bêtises dans sa jeunesse, Bromure, un
ancien de la Légion. Il aime les êtres humains et leurs secrets, tout en demeurant un
solitaire.
Provocateur également ?
Il a effectivement un côté provocateur. Son monde n’est pas un monde bourgeois. En
appréciant la cuisine fine, les bons alcools, il signifie aux bourgeois qu’un certain
raffinement ne leur appartient pas en propre. Idem pour la culture. Il lit les livres et les
brûle, il consomme puis consume pour se délester et demeurer léger.
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Que boit Pepe ?
Des alcools mûris, bien espagnols, pas des alcools distillés comme le whisky des
privés américains...
Ses opinions politiques ?
Une gauche indéfinissable. Il a probablement été au Parti Communiste, mais il a des
côtés anarchistes, en plus il a fricoté avec la CIA... On ne sait pas où il est. Les gens le
perçoivent comme un alter ego de Montalbán, moi je crois plutôt que Manuel l’a inventé,
en y mettant des choses à lui.
Comment avez-vous construit votre personnage ?
Je l’ai construit à partir de ma propre lecture des romans, qu’il m’a fallu ensuite oublier.
Après, la donne était différente à chaque scénario et à chaque réalisateur. Mais je m’étais
constitué une sorte de réservoir dans lequel je puisais parce qu’il était important qu’il y ait
une continuité du personnage. Les films devaient avoir quelque chose en commun. Ce
rôle a toujours un moteur : Pepe est engagé pour un travail, il observe, il enquête, sans
interférer avec de grands discours. Il attire beaucoup les confidences...
Les gens se confient à lui comme s’ils se sentaient percés, mis à jour. Il croise sans cesse
des personnages liés à son passé. A chaque fois, ils ont changé, leur morale a changé
et ils s’en confessent à lui. Il devient une sorte de juge muet. Il faut transmettre ce
jugement au spectateur, en silence. Dans le roman, cela repose sur des mots, au cinéma,
c’est comment tu regardes.
Sur quoi repose le couple qu’il forme avec Biscuter ?
Pepe et Biscuter sont liés par une relation d’amitié mais aussi par un rapport de patron à
employé. C’est un jeu entre eux. Ils se complètent, Biscuter est à la fois plus réaliste et
ingénu, Pepe plus torturé et idéaliste.
Et avec Charo ?
Avec Charo, ils forment un couple très peu conventionnel. Charo est une ancienne
prostituée devenue une “madame”. Dans les romans, ses apparitions sont sporadiques,
les films lui donnent plus de permanence. Le monde de la prostitution est présent dans le
roman, on n’allait pas le gommer.
Trois pays, trois scénaristes, six réalisateurs, un seul Pepe Carvalho. Les
approches ont-elles beaucoup varié suivant les films ?
Chaque réalisateur et, à la limite, chaque pays a eu sa propre lecture de l’histoire et des
personnages. Avec Enrique Urbizu, Pepe est plus relax, plus journaliste, plus proche du
film noir américain. D’autres en ont fait un témoin plus passif. Pour les Italiens, le rôle de
Charo, interprété par Valeria Marini, est devenu plus important. Au final, chacun voit midi
à sa porte et les appréciations varient selon les pays. Sans chauvinisme aucun, j’aime
beaucoup ce qu’ont fait les Espagnols, ainsi que Merzak Allouache.
Quel serait votre souhait si vous deviez repartir sur de nouvelles aventures de
Pepe Carvalho ?
Que Montalbán allège ses recettes de cuisine. De nos jours, on mange moins gras !
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Jean BENGUIGUI, dans le rôle de Biscuter
Jean Benguigui mène de front une triple carrière au théâtre, à la télévision et au cinéma. Au
théâtre, il débute chez Patrice Chéreau avec qui il crée cinq spectacles et poursuit avec les
plus grands noms de la mise en scène, Jean-Pierre Vincent, Marcel Maréchal, Alfredo Arias
et Gorgio Strehler. Familier du petit écran, il apparaît dans une vingtaine de téléfilms et dans
la série des Imogène. Quant au cinéma, entre La question de Laurent Heynemann (1976) et
Merci mon chien de Philippe Galland (1998), on l’aura vu dans 25 films parmi lesquels Buffet
froid de Bertrand Blier (1979), Les fugitifs de Francis Veber (1986), L’africain de Philippe de
Broca (1982), Le grand pardon d’Alexandre Arcady (1981) et Tango de Patrice Leconte
(1992). Avec Pepe Carvalho, il retrouve le réalisateur Merzak Allouache avec qui il avait
tourné Salut cousin en 1996.
Entretien avec Jean BENGUIGUI
Avant d’interpréter Biscuter, connaissiez-vous déjà l’univers de Montalbán ?
Oui, je connaissais les romans de Montalbán parce que je suis amateur de romans policiers
et de littérature contemporaine espagnole, des écrivains comme Perez Reverte ou Eduardo
Mendoza. J’avais commencé Montalbán avec “Meurtre au comité central” je trouvais le titre
délicieux.
Qu’est ce qui vous a séduit dans le projet ?
J’aime le pourtour méditerranéen. Je suis né en Algérie, ça fait de moi à la fois un Africain du
nord et un Européen du sud. L’Europe est totalement décalée vers l’est et le nord et tout ce
qui peut renforcer l’Europe du sud m’importe énormément. J’avais déjà tourné en Espagne
mais pour des Français et, pour la première fois, j’avais l’occasion de travailler avec des
Espagnols. Je me suis senti formidablement à l’aise à Barcelone et avec les Espagnols.
Comment a fonctionné le tandem que vous formez avec Juanjo Puigcorbé ?
Le couple Pepe-Biscuter fonctionne comme un couple de comédie et j’ai l’habitude des rôles
de valet. Juanjo et moi venant du théâtre, nous nous sommes trouvés tout de suite. On a
beaucoup improvisé ensemble, souvent d’ailleurs en échangeant nos langues, lui en français
et moi en espagnol !
Qui est Biscuter ?
Il est le factotum, le cuisinier, le confident. Il n’a pas d’attaches et survit en attrapant ce que
la vie veut bien lui offrir comme, par exemple, l’opportunité de travailler pour Pepe. Ils se sont
connus en prison mais Biscuter y était comme petit délinquant minable alors
que Pepe, c’était un politique, la noblesse des détenus. Ils ne partagent
d’ailleurs pas les mêmes idées, comme c’est également le cas avec
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Bromure, qui est un ancien de la Légion.
En dehors de la prison, que partagent-ils ?
Ils ont une passion commune, la gastronomie. Le plus important, pour Biscuter, c’est la
visite au marché le matin, trouver les bons produits, cuisiner. Il a le plaisir de faire, de
goûter, de donner. Il est toujours inquiet avant le verdict, il a besoin d’être reconnu. Je
connais tout ça par coeur parce que, moi-même, j’adore cuisiner ! Dans la série, c’est
devenu une plaisanterie, Biscuter est régulièrement frustré car Pepe ne termine jamais
ses repas.
Dans les épisodes Le petit frère et La solitude du manager, Biscuter évoque
ces enfants que ni lui ni Pepe n’ont. Etait-ce dans le scénario ?
Montalbán, c’est un univers sans enfants et Pepe et Biscuter sont très dans l’esprit
“pourquoi faire des enfants dans ce monde horrible”. C’est moi qui ai apporté ces
notations improvisées, comme celle sur mon enfant qui serait petit comme une olive.
Montalbán, pour vous, c’est du roman policier ?
Chez lui, ce n’est pas l’histoire qui est la plus importante, c’est l’ambiance et le point de
vue qu’il développe sur Barcelone, l’Espagne ou l’Europe. La Barcelone de Montalbán est
en train de disparaître et les Catalans en sont très fiers. Les nouveaux quartiers ont un
succès fou alors que le Barrio Chino s’est vidé. A partir de là, la difficulté pour les metteurs
en scène était de rendre la “graisse” de l’univers de Montalbán alors qu’elle est en train
de se dissoudre dans la Barcelone post-olympique.
Le tournage vous a mobilisé durant une année. Quelle est votre perception de
l’ensemble des six films ?
Sur une série à personnages récurrents - quelle expression horrible ! -, j’ai envie de dire
que les acteurs portent beaucoup, ils savent presque mieux que personne ce qu’ils ont à
faire parce qu’ils ont une vision globale. Mais nous ne sommes pas en présence d’une
série classique comme, par exemple un Navarro, avec un cahier des charges très précis
dans lequel les réalisateurs doivent se fondre. Là, il s’agit de six fictions, avec des
réalisateurs venus du cinéma et ayant chacun leur propre vision, comme des variations
sur un même thème.
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